vendredi 22 mars 2013

"Jii"


Vendredi le 22 mars

" À l'échelle cosmique, l'eau liquide est plus rare que l'or " Hubert Reeves

Pour la journée mondiale de l’eau, nous avons eu droit aujourd’hui aux premières pluies depuis notre arrivée au Burkina Faso il y a 2 mois! Le vent nous a d’abord chassé de la terrasse où nous avions débuté le souper et au moment où j’écris ces lignes, un déluge déferle sur le quartier depuis près d’une heure!  Lorsque l’on fait un séjour dans la zone Sahélienne, on sait que l’eau y est en carence mais, comme toute chose qui est rare, chaque fois qu’elle se manifeste, elle revêt une importance capitale et parfois d’une intensité surprenante! 

"Maman j’ai soif! Est-ce que je peux avoir la bouteille d’eau?"  Jérémie fait sa demande pendant qu’il grimpe vers le petit village de Koro, situé en bordure de Bobo, et fondé stratégiquement sur une petite colline avec une vue impressionnante sur les falaises de Banfora et les plaines avoisinantes.  À peine 10h AM, il fait déjà 37°C et la première bouteille de Lafi (1,5l) tire à sa fin. Les femmes, au puits, remplissent de grandes cuves qu’elles portent sur leurs têtes jusqu’à la maison; une corvée incontournable des régions rurales du pays. "Jii", nous disent-elles, "eau" en Dioula!

Dans la région des Hauts Bassins où nous sommes, seulement 41% de la population a accès à un service commun d’eau, soit dans un rayon de un kilomètre de sa demeure! Pour l’ensemble du pays, 79% de la population burkinabée avait accès à l’eau potable en 2010.  Ceci représente un progrès remarquable car le taux national en 1993 était de 18%!

À la fin de l’après-midi, nous visitons la mare aux poissons sacrés de Dafra, un lieu unique le long des falaises où des cultes animistes ont toujours lieu.  Pas moins d’une trentaine de personnes sont présentes pour nourrir les poissons et surtout pour offrir un poulet (même une chèvre!) au « fétiche » de Dafra et ainsi mériter ses faveurs!

Au retour de ces visites, une destination nous attend sans hésitation…Notre piscine!!! À notre arrivée au Burkina, nous avons eu la chance de trouver, près de l’école des enfants, une maison avec un grand jardin et une piscine!  Après 2 mois de quotidien au Burkina, c’est la meilleure décision que nous pouvions prendre!  À toute heure du jour la piscine offre des moments bénis : au retour du travail à vélo le midi complètement détrempé de sueur, ou même à minuit quand les coupures d’électricité nous laissent sans climatiseur, ni ventilo et que le mercure atteint encore les 33°C… Un « plouch » devient alors précieux! Tout aussi féérique, le vol des chauves sauris qui, à la tombée du jour, viennent  gracieusement s’abreuver à la surface de l’eau!

Les fins de semaine, c’est à la Guinguette que ça se passe!  Ce petit oasis à 20km de Bobo, situé le long de la rivière du Kou qui alimente en eau la ville et la plaine rizicole de Bama. En cette période sèche, à peine une trentaine de centimètres d’eau s’écoulent sur un sol sablonneux sous les arbres et les bambous qui bordent la berge. Simplement aménagés en pleine nature, on y trouve quelques chaises, tables, toits en chaume et une cuisine où l’on peut acheter des boissons fraîches!  Entre les parties d’échecs, les enfants adorent y lancer le « frisbee » tout en combattant le courant.  En après-midi, tous les jeunes de Bobo avec leurs mobylettes viennent au pont situé à quelques km de là pour se rafraîchir un peu et fraterniser activement!

L’ultime destination de baignade dans la région des Hauts Bassins se situe à Banfora, à 80km de Bobo, où le relief des falaises offre les superbes cascades de Karfiguéla où il fait bon se baigner et surtout sauter dans les bassins profonds forgés par le courant.  Même Justin, du haut de ses 3 ans, a voulu suivre ses frères pour s’élancer du haut d’une chute. Il faut d’abord  explorer les dômes de Fabédougou -des formations rocheuses où jadis les habitants de la région se réfugiaient en périodes de conflits- pour mériter et souhaiter ardemment  la douceur de l’eau! Les paysages y sont  grandioses et le plaisir garanti!

Eau violente, eau désaltérante, eau pénible, eau essentielle, eau sacrée, eau de plaisirs, eau bucolique…Malgré ses carences et souvent à cause de cette rareté, l’eau est ici omniprésente!

Éric et Sophie






lundi 4 mars 2013

À Deux Roues


Dimanche, le 3 mars

Il y avait plusieurs bonnes raisons de venir au Burkina Faso. Parmi celles-ci, notre souhait de décrocher du rythme de vie effréné qui avait pris place dans nos vies : boulot-auto-dodo-auto-karaté-auto-loisir-auto! Nous voulions prendre une pause et… un grand respire.

Dans nos préparatifs, nous consignons nos voitures, et je suggère à Éric : « Eh si on n’avait pas d’auto en Afrique? » Sceptique, Éric a répondu : « On l’essaie un mois et puis on évalue. » C'est une décision déterminante car nous apportons nos vélos, le banc de bébé pour Justin, ainsi que son vélo avec les petites roues. Au marché local de Bobo, nous trouvons 2 vélos pour les garçons.

La première journée d’école, après notre aménagement dans la maison, nous partons tous   à vélo. La fraicheur du matin et la descente vers l’école sont agréables. Dominic pédale à toute allure et Jérémie prend son temps. Le retour à l’heure du midi est plus difficile, il fait chaud et… ils doivent remonter la pente! En plus, Jérémie a faim! Doni doni (doucement, en dioula)!

Nous nous rendons également au travail à vélo, 7-8 km, un peu plus pour Éric. À vélo, j’ai l’impression de me fondre à la vie des Burkinabés. À Bobo tout le monde partage la route : les écoliers à vélos, les femmes en mobylettes (avec leurs enfants sur leur dos, sous leurs pagnes multicolores), les hommes qui poussent des charrettes pleines de denrées, les chèvres, les taxis, les ânes, ...

Pour les déplacements plus éloignés ce sont les transports en commun ou toutes les options semblent envisageables. Tracteur, autobus, 4x4, charrette avec des ânes, moto transport, …  Pour revenir de la foire du riz à Bama on avait une Peugeot familiale d’un autre siècle qu’on a partager avec une commerçante et ses 25 poches de riz, 2 productrices de Banzon avec les fours à étuvage et les deux grands bidons qu’elles avaient gagné à la foire, le chauffeur et les deux aides pour monter tout ce bagage sur le toit! On était beau les 5 sur la banquette du milieu!

Pour nos courses près de Bobo, nous nous fions à Moussa- notre super taxi man! Dès notre première rencontre, Jérémie lui dit que son nom est facile à retenir car « moose en anglais- c’est un orignal! Suffit d’ajouter le « a »! » Il nous est recommandé par un coopérant à notre arrivée à Bobo et depuis, nous l’appelons au besoin. Toujours souriant, il offre des chewing gum pour les enfants, et quand ceux-ci font la pagaille dans le taxi, il lance un : « Ah ce n’est pas facile! », avant de pouffer de rire!!! Son taxi, une vielle Peugot, verte, toute déglinguée!  Mais honnêtement, ce n’est pas la pire, certains « basous » n’ont même plus de lumières, de poignées de portes ou de démarreur : il faut les pousser pour qu’ils partent…Clairement un élément du folklore local!

Dimanche dernier, belle journée pour aller profiter de la Guinguette, un superbe Oasis le long de la rivière du Kou, à 20km de la maison, où les fins de semaine tout Bobo se retrouve!  Le truc : arriver tôt pour avoir une bonne place et profiter de l’eau fraiche et du fond sablonneux pour s’amuser un peu!  Éric a même décidé de se rendre à vélo! Top chrono, nous partons avec Moussa et Éric décolle sur ses deux roues.  On lui donne une chance en arrêtant chercher du pain, gonfler un pneu (!) et acheter de l’eau (on annonce 37C!).  Nous sommes sur le dernier droit quand Moussa reçoit un texto d’Éric : « Youpelylou!», il est arrivé!  Sur la route les gens le saluent, ils ralentissent même sur leur mobylette pour lui faire un brin de jasette!

C’est ce qu’on appelle vivre au rythme du pays...L’auto peut attendre un autre mois!

Sophie