Mes premières sorties de vélo se font à la Guinguette, notre oasis de fraicheur à 20 km de Bobo. C'est là que je rencontre Fabrice qui arrive aussi à vélo, son "VTT" comme le dit ce français d'origine qui a fait son nid au Burkina. Il nous salue, visiblement intéressé par le fait que Vincent et moi avons fait le trajet à vélo. Nos enfants partagent les classes à l'école française André Malraux. On effectue le retour vers Bobo à trois, occupant la position de tête à tour de rôle pour mieux affronter le vent. Avant de se quitter, on échange nos numéros de portable avec la ferme intention de se retrouver un matin de fin de semaine pour explorer les sentiers de l'arrière-pays Bobolais.
Première sortie avec Fabrice, le 30
mars, le début des mois chauds du Burkina. Même la nuit, le mercure ne baisse
plus sous les 30°C. Pour quitter Bobo, on prend la route de l'aéroport, on
descend une grande côte, pour ensuite délaisser le bitume, les véhicules et
débuter les sentiers, notre réelle destination. Aussitôt, on a droit à
l'accueil des enfants qui nous lancent les habituels "Toubabous,
toubabous, toubabous!!!"
Au 25e km,
on approche un groupe de jeunes qui se préparent pour aller aux champs. Je suis
devant, avec Fabrice dans ma roue. Les jeunes se mettent sur le côté du chemin,
mais un chien qui n'a vraisemblablement rien compris de ce qui se passe se
lance devant ma roue... Freinage catastrophe, j'évite de lui passer sur le
corps, mais Fabrice, lui, n'évite pas mon vélo; je le vois mordre la poussière
sur ma droite avant que moi, je ne m'envole sur la gauche en m'offrant une
roulade dont le prof de judo de Jérémie aurait été fier! On se relève et on
secoue la poussière. Fabrice a un bras égratigné, mais rien de grave. Les
jeunes, témoins du vol plané de deux Toubabous, ont les yeux grands. Ils lèvent
nos vélos et vont chercher de l'eau. On redresse les guidons, on salue le
groupe qui est encore sous le choc, et on repart!
Bientôt on arrive à la
Forêt classée du Kou. L'endroit est sublime : des arbres centenaires qui
culminent au-dessus des strates de fougères, d'arbres et de lianes. Dire qu'une
telle forêt couvrait la région toute entière! Les besoins en terres agricoles,
la coupe abusive de bois de cuisson, la recherche de bois de charpente et de bois
noble pour la confection de meubles, ont presque tout décimé. Aujourd'hui c'est
la brousse avec des arbres à karité, des nérés, quelques baobabs et des
palmiers ici et là, mais rien que l'on
saurait appeler une forêt. Un pont suspendu traverse le Kou, la rivière
de la Guinguette, qui alimente Bobo en eau potable et qui irrigue la pleine
rizicole de Bama. Dès la sortie de la fraicheur de la forêt, on sent le
contraste avec la chaleur accablante qu'il fait dans la brousse.
Une dizaine de km plus
loin, on arrive à la maison de campagne de Fabrice, une superbe construction en
Voûte Nubienne dont certains murs ont un mètre d'épaisseur! Un grand arbre est
au centre de la cour, un puits traditionnel près des bâtiments, une plantation
de manguiers et d'anacardiers complète le terrain. L'endroit est accueillant!
Il y même un plan d'eau à 150m. Fabrice rêve d'avoir accès à la terre qui le
sépare de ce petit lac pour y construire quelques cases et recevoir des
voyageurs!
Sur le retour, on
s'offre une longue côte de 5 km ou on agonise sous un soleil de plomb à plus de
35°C. En arrivant à Bobo, on s'arrête dans une boutique pour engloutir une
grande Lafi (1.5l) avant le dernier droit, 10km vers la maison...Total 61 km...Je
suis épuisé!!!
13 avril
2e
chevauchée du samedi avec Fabrice... Je sens une tradition qui s'installe! On
part à 7h30 sur la route vers Bama, mon terrain de jeu! À deux, on avale les
côtes avec force. Dans les descentes on atteint des vitesses folles avec des
pointes à près de 50km/h et 4km de suite à plus de 40km/h de moyenne... C'est
grisant de dévaler la route à un tel régime! Au 22e km on prend une
piste de terre, c'est le début des sentiers, un 20km dans l'arrière-pays, où
l'on se croit seul au monde. Parfois, on croise quelques enfants qui se déplacent
en charrettes tirées par un âne. On arrive dans un village où toutes les
maisons sont en banco, les toits en chaume, les portes et volets en bois...
J'ai la tête qui voyage dans ces paysages qui semblent figés dans le temps. Les
gens nous offrent de larges sourires. Les km passent rapidement!
Nous prenons une
courte pause à la maison de Fabrice, avant de revenir vers Bobo par d'autres
sentiers, en culminant dans la même côte que la dernière fois. On a déjà 55km
dans les cuisses, mais j'me sens moins abattu qu'à notre dernière sortie. Je
choisis le bon braquet et je monte avec régularité. Le dernier km, avec 30m de
dénivelé, est enfilé avec énergie. On
retrouve les habitations de la banlieue de Bobo. Total 70 "bornes"...
Ouf!!!
8 juin
La fin d'avril et tout
mai sont très chauds et pleins de contraintes qui ont privé nos sorties du
Samedi. 8 juin, 7h30, rendez-vous au
rond-point du Lion avec Fabrice. Après 20km de bitume sur la route vers
Banfora, on prend les sentiers, notre véritable destination. Rapidement on
croise de superbes petits villages où les gens s'affairent aux tâches
quotidiennes. D'autres sont aux champs pour préparer les terres à la saison des
pluies qui débute ce mois-ci. Des jeunes mènent deux boeufs qui tire une
charrue, mon grand-père, avait vu ça dans sa jeunesse, il y près de 100 ans,
ici c'est la norme. En traversant un village, je ramène presque une poule pour
le diner... Je suis quitte pour un bon coup de guidon et quelques plumes!
Ce sentier est plus
accidenté que les dernières fois, aucun véhicule motorisé ne passe par ici, pas
même des motos. Par contre, on croise de nombreuses femmes qui se dirigent vers
le marché, la tête chargée de denrées, un enfant sur le dos. "Any Sogoma,
Here sira?". Certaines nous saluent en français: "Bonjour,
ça va?" Plusieurs sont surprises de voir ces deux toubabous avec des
casques et de drôles de vêtements! Une chance que Fabrice a sa petite
clochette, car les changements de directions arrivent rapidement et certaines
femmes, plongées dans la quiétude habituelle, n'anticipent pas le passage des
vélos! Le sentier est superbe. Dans une section, on traverse un pont qui
surplombe un petit canyon. Plus loin, on descend à la rivière où des femmes
font leur lessive. Du gros bonheur sur deux roues!
16 juin
Quoi de mieux pour la
fête des Pères que de s'offrir une belle sortie en brousse entre papas. Cette
fois, Alain, un Belge dont le fils est dans la classe de Jérémie, nous
accompagne. Rendez-vous au rond-point
des chevaux à 7h30 pour un nouvel itinéraire qui promet. Déjà on est sur la
terre battue, dans un quartier populaire de la périphérie de Bobo. Certains
résidents ont leurs habits du dimanche, en route vers l'église ou pour visiter
un parent. C'est toujours marquant de voir des gens aussi fièrement vêtus
sortir de maisons aussi modestes, voir dénudées de tout.
Après quelques km nous
débutons la descente, nous sommes sur la falaise de Banfora qui couvre des
centaines de km. Certaines sections sont très rapides et d'autres, techniques
et accidentées. Je dois poser pied 2 fois. À la base de la falaise, on suit la
route peu de temps, pour remonter vers le pèlerinage de Diguinso. Au sommet, on
a pu saluer le Christ sur sa croix. Nous sommes à quelques km de Dafra, un lieu
sacré pour les animistes de la région, voire de l'extérieur du pays. Le Burkina
est un exemple fabuleux de coexistence et de saine harmonie entre cultes :
Chrétiens, Animistes et Musulmans.
Nous poursuivons notre
balade en brousse avant de rejoindre Darsalame vers les sentiers empruntés la
semaine dernière. Une superbe section de pistes étroites, avec un léger
dénivelé favorable qui nous permet d'être particulièrement véloces. Dépassé
30km/h, sur ces sentiers, il faut serrer les dents et les mains sur les
guidons! Dans une section sablonneuse, on s'offre quelques dérapages à peine
contrôlés. 3 petits canyons, 2 ponts, un superbe village, des gens dans les
champs, des arbres à karité et de nombreux palmiers... Je prends même le temps
de sortir ma caméra, blottie dans la poche arrière de mon maillot, et je me
risque pour quelques photos sans m'arrêter!
En arrivant à Koumi, Alain veut reprendre le bitume. On a déjà 45km au compteur et ses jambes ne veulent plus! On prend la route avec lui et après les douanes de Bobo, on le laisse poursuivre et on tourne sur l'ancienne route qui reliait Bobo au Mali. Des vestiges de l'agrégat de l'époque sont toujours visibles. Bientôt on entre dans la banlieue bobolaise. La brousse et les champs laissent place aux habitations.
Direction le
"cabaret" où Fabrice joue les percussions pour accompagner les
joueurs de balafon et attirer les amateurs de Dolo, une bière de mile,
typiquement africaine. Le dolo du matin est plus sucré que celui du soir, qui
augmente en alcool. Une chance, car le corps est éprouvé après plus de 3h de
vélo à 95% en sentiers. On se fait
offrir des calebasses de breuvage bien doré avec une noix de cola pour se
redonner de l'énergie. Moussa au balafon égaye les clients et on vient coller
des billets de 1000F sur son front, en marque d'appréciation.
Doucement, sur le
chemin du retour je revis notre chevauchée du matin, les visages des gens
croisés, les salutations, les paysages, les arômes de certains passages, la
lumière qui change au fil des kilomètres, l'euphorie d'un sport qui demande
toute ton attention, mais qui en même temps te libère l'esprit. Je reviens les
jambes faibles, mais la tête au 7e ciel. Les enfants m'attendent avec
leurs cadeaux de la fête des Pères!
Merci Fabrice de me faire vivre l'arrière-pays bobolais!
Éric
WOW je suis essoufflée rien qu'à te lire. Je vois que tu t'éclates et c'est merveilleux! Sois quand même prudent.... :)
RépondreSupprimerEn combien de temps faites-vous tous ces km ?
Merci pour un autre beau récit d'une belle aventure qui se continue.
Marcelle
Salut Marcelle! Je n'aurais jamais pensé devoir préciser mes km/h pour toi!!! LOL!!! Nos sorties sont de 3h-3h30 avec des moyenne de 21 à 26km/h! Rien de spectaculaire, mais pour des sentiers, ce n'est pas mauvais du tout et parfois ça va très vite!!! Pour ce qui est d'la prudence, toujours très chère, avec la merveilleuse indulgence de nos anges gardiens! Bisous!
RépondreSupprimerBonjour tout le monde, j'adore les photos du pays et la richesse de tes récits. J'ai une question: qu'est-ce qu'un toubabous? Mathilde
RépondreSupprimerEst-ce que vous aimez plus ce pays qu'ici? Est-ce que le Burkina Faso est très différent d'ici? Ludovic
Eric, je suis content de voir que le vélo te permet toujour de t'évader et de découvrir ce pays qui semble garni de merveilleux paysages, de boissons rafraichissantes, de personnes accueillantes et de températures quelque peu extrêmes (j'ai hâte de voir tes commentaires sur la saison des pluies...) Bonne fête des pères! Alex
Heureux de vous lire les Raiche!
RépondreSupprimer"Les Toubabous", c'est nous "les Blanc". Dominic
J'aime ça ici, mais je préfère à MSH car tout mes amis sont là et je peux voir mami, papi, Grand-maman et Grand-papa souvent! Jérémie
Tu as tout compris Alex, c'est l'équilibre de ma vie, un peu d'évasion hebdomadaire! Éric
Bonjour,
RépondreSupprimerOn ne se connait pas, mais je lis quand même votre blogue et l’apprécie. Il y a de fortes chances qu’on aille vivre à Ouagadougou pendant 2 ans prochainement. J’aime bien le vélo de montagne, mais je me questionne sur la pertinence d’amener mon bon vélo de cross-country (Giant 29er XTC 1) VS seulement une vieille bécane pour me promener en ville. C’est certain que j’amène une vieille bécane pour les déplacements en ville, mais est-ce qu’il y a une assez bonne offre de sentiers en général au BF pour justifier d’amener un vélo de cross-country?
Je ne suis pas très limité au niveau des bagages, mais je ne veux quand même pas amener un vélo pour rien.
Un gros merci!
Patrick
Bonjour Patrick!
SupprimerMet ton vélo dans tes bagages tu ne regretteras pas ta décision!
Moi, si un bon ami ici ne m'avait pas passé son vélo de montagne, j'aurais fait l'achat de bon vélo de trail car le "terrain de jeu" est spectaculaire!!!
Je te mettrai en lien avec Fabrice, ami français qui vit au Burkina depuis plus de 15 ans et Alain, ami Belge, tous deux basé à Bobo!
Malheureusement, Ouaga c'est plus compliqué...La ville est grande et faut faire de nombreux km avant de rencontrer "l'arrière pays"! j'y croise plus de gens en vélo de route...Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des amateur de VTT. Je pourrais te transmettre les coordonnées d'un liste d'annonce ou tu pourras faire paraitre une demande pour trouver des gens intéressés par le VTT à Ouaga!
Pour l'achat de 2e vélo de tous les jours, il y bcp d'offre à 50-75 Euros!
Au plaisir!
Éric
Bonjour Éric,
SupprimerMerci de prendre le temps de répondre. Tu viens de me convaincre de l'amener. J'ai un vélo de route aussi, mais je ne pensais pas l'amener, je ne pensais pas qu'on pouvait y trouver des routes en assez bonne condition et, surtout, sécuritaire. Je pense que je vais me concentrer sur le vélo de montagne de toute façon.
Pour le contact, c'est f_patrick À hotmail.com.
Un gros merci!
Patrick